Réseau d’établissements et services de statut privé à but non lucratif
Entretien avec la Directrice Générale
Cette année a été marquée par l’intégration d’un nouveau site au cœur de Lyon. Pourquoi ce développement ?
Unis par nos origines congréganistes et notre engagement commun envers les valeurs humaines, l’Association La Compassion a été choisie par la Congrégation des Petites Soeurs des Pauvres pour assurer la continuité de l’accompagnement auprès des 102 personnes âgées vivant sur le site.
C’est un lieu magnifique situé en plein coeur de ville. Il comprend un EHPAD de 83 lits et une résidence autonomie de 19 logements, et offre un environnement sécurisé sur un terrain de 10 000 m2. Dès la première visite, nous y avons vu le potentiel incroyable pour y développer un modèle d’accompagnement plateforme, intergénérationnel et ouvert sur la ville. Nous avons rendu cet établissement accessible à tous en le rendant éligible à l’aide sociale à un tarif négocié à 75€ avec la Métropole de Lyon dont nous avons écoute et soutien. Nous avons accompagné le changement culturel et de modèle managérial afin de garantir un fonctionnement laïc, un management responsabilisant et une organisation en capacité d’accueillir des personnes plus dépendantes.
Après la stabilisation du fonctionnement et la négociation du CPOM, des travaux de réhabilitation seront lancés afin de concevoir un espace intergénérationnel ouvert sur la ville, avec des logements étudiants, une micro-crèche, un espace de Co-working et un tiers lieu pour accueillir des activités culturelles, sportives et spirituelles.
Ce projet vise à favoriser les échanges entre les générations, l’inclusion et la solidarité. Il illustre parfaitement notre engagement à faire évoluer le regard que la société porte sur le vieillissement et à promouvoir une société plus inclusive et solidaire, où chacun, quel que soit son âge ou son parcours, trouve sa place et son épanouissement.
Dans la presse, nous pouvons lire que de nombreux EHPAD sont en grande difficulté financière (1). Le système semble être à bout de souffle. Qu’en pensez-vous ?
Depuis 2018 et la mission Flash Iborra, de nombreuses rapports font état des difficultés du secteur, obligeant les pouvoirs publics à promettre une Loi Grand Age, qu’ils ne cessent, depuis, de reporter. Cette année 2023, la réunion de trois facteurs a marqué un paroxysme de la situation: le désintérêt, voir la méfiance des seniors envers les EHPAD, les difficultés de recrutement préexistantes mais exacerbées par un changement sociétal du rapport au travail et l’inflation sur les charges obligatoires insuffisamment compensées par les hausses de produits (2). Le modèle de financement et de fonctionnement des EHPAD, déjà très précaire a été complétement anéanti par la conjonction de ces facteurs. En ce qui concerne l’interne, nous enregistrons un déficit important pour l’exercice. Nous n’avons donc pas échappé à cette situation nationale mais nous avons su en minimiser les impacts.
La taille de notre Association et la mutualisation de ressources associées, les contrats cadres négociés et encadrés, le pilotage des charges et la bonne gestion associée, la diversification de nos offres (SSIAD, Résidences autonomie), l’engagement de nos équipes tant dans la maitrise des charges que dans la recherche de résidants nous ont été plus que jamais précieux.A l’aube du pic démographie des personnes âgées, les EHPAD sont plus que jamais nécessaires et indispensables. Malheureusement nombre d’entre eux continueront à fermer leurs portes faute de solutions adaptées. Les enjeux démographiques du vieillissement de population devraient nous conduire à agir dès aujourd’hui pour mettre en oeuvre les solutions de demain : décloisonnement des parcours, ratio d’encadrement adapté aux besoins d’accompagnement, financements renforcés et simplifiés.
Malheureusement, « Notre Maison brûle et nous regardons ailleurs » (3) ! La loi « Bien Vieillir » en cours d’adoption qui s’évertue à garantir le droit de visite aux personnes vivant en EHPAD, le droit à l’hébergement de son animal de compagnie et le renforcement des mesures de contrôles et d’inspection en est la parfaite illustration. Au sein de notre Association, nous avons inscrit ces enjeux dans notre projet associatif 2023-2033. Indépendamment de l’inertie politique, nous devrons être courageux dans nos prises de décision, prêts et solides pour continuer à assurer notre mission.
Justement, parlons de ce nouveau Projet Associatif. Etabli pour une durée de 10 ans, co-construit avec plus de 500 participants, il porte des ambitions très fortes qui contrastent avec le contexte. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Plus le contexte est instable et l’avenir incertain, plus le projet doit être claire, ambitieux et proactif. C’est ce que nous avons souhaité garantir dans l’écriture de ce projet. Il se positionne comme un phare de stabilité et de vision. Il nous permet de nous appuyer sur nos forces, de renforcer notre sens de l’identité collective et de mobiliser nos ressources pour relever les défis qui se dressent devant nous.
Fondé sur nos valeurs fondamentales et nos principes directeurs, ce projet associe une mission claire et qui fait sens « Accompagner avec bienveillance et qualité les personnes âgées » et trois postulats solides.
– Nos ainés ont besoin de solutions évolutives alliant prévention, lien social et proximité.
– Les hommes et les femmes qui composent notre Association sont des ressources rares et précieuses.
– Notre Association a une responsabilité sociétale à assumer.
Le « Tour de France du Projet Associatif », que j’ai eu la chance de vivre avec les administrateurs sur nos différents sites, a permis de débattre avec les parties prenantes (résidants, familles, collaborateurs, partenaires,…). L’accueil réservé à ce projet et l’enthousiasme associé, témoignent du total engagement de notre communauté. Je suis convaincue que, grâce à notre détermination collective et à notre vision partagée, nous pourrons surmonter les défis à venir et réaliser nos ambitions avec succès, pour mieux servir les personnes âgées et contribuer positivement à notre société.
Pour l’année 2024, notre Association La Compassion se focalisera sur quatre priorités clés. Il s’agira de renforcer la pérennité de l’Association, en consolidant notre modèle économique et en sécurisant notre gouvernance pour assurer notre stabilité à long terme. La politique d’accompagnement, de soin et de prévention sera écrite pour offrir des solutions adaptées à nos bénéficiaires et des outils de associés seront mis en oeuvre (Dossier Usager Informatisé, Centre ressources de territoire,..). Nous nous efforcerons d’attirer et de retenir les meilleurs talents en offrant des opportunités de formation, d’engagement et de responsabilisation, et en repensant nos métiers pour les rendre attractifs et valorisants. Nous travaillerons à harmoniser nos pratiques et nos protocoles à travers tous nos établissements, assurant ainsi une cohérence et une qualité de service uniformes pour tous nos usagers, quel que soit leur lieu de résidence.
Rapport d’activité 2023 Association La Compassion
En synthèse, que faut-il retenir de 2023 ?
L’année 2023 nous laisse deux enseignements majeurs.Il est urgent de repenser le modèle d’accompagnement des personnes âgées. Les modalités d’accompagnement, de parcours, de financements, les métiers, les organisations doivent être interrogées et redéfinies.
Notre Association est capable de relever le défi. L’Association La Compassion se distingue par sa force et sa résilience, incarnée par des Hommes et des Femmes engagés et dotés d’une expertise reconnue dans l’accompagnement des personnes âgées. Avec un projet d’avenir solide, pragmatique et ambitieux. Ensemble nous sommes plus forts, et c’est avec détermination que nous avançons vers un avenir où chaque personne âgée bénéficie d’un accompagnement de qualité et d’une attention bienveillante.
Muriel Blouin
Directrice Générale
(1) 75% des EHPAD (publics, non lucratifs, commerciaux) en déficit en 2023. Déficit moyen 1 500€ par place (Source FEHAP, FHF, Synerpa)
(2) Trois types de produits : Participation du résidant (évolution encadrée par arrêté ministériel), Participation du département (entre 0 et 4,5% d’évolution), Financement du soin par l’ARS (évolution moyenne 2,5%)
(3) Jacques Chirac